Composites en fibres de lin

          Les caractéristiques des composites en lin dépendent de nombreux facteurs. Le composite n'aura pas les mêmes propriétés en fonction des matrices qui sont utilisées mais les différences de polymères ne sont finalement pas primordiales. En effet, le plus important d'un point de vue technique et ce à quoi les ingénieurs s'intéressent en premier est la fibre. C'est elle qui donnera aux composites en lin ses atouts et qui leur permettent d'être résistant. Le choix d'une matrice performante est donc indispensable mais ce sont tout de même les fibres de lin qui confèrent aux composites leur efficacité. 

 

Le tissage

          Le tissage des fibres n'est pas réalisé au hasard et dépend de l'emplacement du matériau et de son utilisation. Des forces s'exercent sur le composite en lin et son but est donc d'y résister. Les fibres sont toujours disposées dans la direction des efforts pour être efficaces. Si un composite est placé à un endroit avec une forte contrainte longitudinale, il faudra réaliser un tissage permettant la résistance du matériau dans cette direction longitudinale. Plus la contrainte est élevée à un endroit précis du composite, plus la densité des fibres devra être élevée.

Il existe différentes manières d'orienter les fibres de lin au sein même des composites:

  • Les fibres peuvent être alignées dans un même sens, généralement pour répondre à une contrainte unique, on parle alors de composite unidirectionnel.​ Le composite en fibres de lin qui permet la plus grande résistance avec le moins de fibres possibles est justement obtenu grâce à un tissage unidirectionnel.
  • Les fibres peuvent subir deux types d'alignements, par exemple horizontal et vertical. On parle ici de composite bidirectionnel.
  • Les fibres peuvent être disposées de façon aléatoire, mélangées à la matrice donc sans aucune orientation définie. Les étoupes, qui sont des fibres courtes, sont souvent utilisées pour ce type de tissage bien qu'il puisse aussi s'appliquer aux fibres longues.

          Les composites en lin peuvent aussi être conçus en mixant ces trois types de tissage. Ils peuvent être organisés par pli (couche). Chaque pli étant tissé différemment des autres, on obtient une structure résistante à beaucoup de contraintes et qui permettra d'être placée dans des endroits stratégiques et importants du produit final. Le composite est alors dit stratifié.

Composite shells laminate

 

 

 

Les fibres de lin face à leurs concurrentes

          L’industrie des transports est extrêmement exigeante et la recherche d’un matériau pour rendre la structure plus légère et résistante est un travail de longue haleine qui nécessite surtout un matériau aux caractéristiques techniques totalement irréprochables. Les composites en fibres de lin ne sont pas les seuls sur le marché des composites biosourcés, c'est à dire à base de fibres naturelles. Nous allons donc voir si les fibres de lin sont une alternative plausible aux fibres communes et aux fibres végétales.

Les avantages :         

          Ce qui fait la résistance d'un composite est la fibre. Pour calculer la capacité de résistance des fibres de lin à des contraintes comme la traction ou la compression, on utilise le module de Young dont voici la formule :

                     E σ/ε

σ correspond à la contrainte (la force adimensionnée par la surface) subit par le matériau lorsqu'on applique un effort sur celui-ci.

ε correspond à l’allongement du matériau qui est donc fonction de la contrainte exercée sur celui-ci.

Enfin E correspond au module de Young, c’est-à-dire le rapport de la contrainte sur l’allongement du matériau (exprimé en GPa).

          A contrainte donnée, plus l'allongement de la fibre est faible, plus le module de Young est élevé et la fibre résistante.

          Le module de Young de la fibre de lin varie entre 12 et 85 GPa selon la qualité des fibres. Les fibres utilisées dans les transports ont en moyenne un module de Young entre 60 et 85 Gpa. Les fibres naturelles les plus utilisées dans les transports à savoir le bois, le chanvre et le jute ont des modules d'élasticité respectivement d'environ 11 Gpa, 60 Gpa et 30 Gpa. La fibre de verre a un module de Young d'environ 72 Gpa et la fibre de carbone de 500 Gpa. On remarque que les fibres naturelles sont généralement moins résistantes que les fibres de lin. La fibre de verre qui est la plus utilisée dans les transports est quant à elle légèrement plus solide que les fibres de lin mais la différence n'est pas flagrante. En revanche, on remarque que le module de Young des fibres de carbone est très nettement supérieur à celui des fibres de lin, elles sont donc environ sept fois plus solides.

          En plus d'une grande résistance, une des propriétés extrêmement importante pour que la fibre de lin ait la possibilité de s'imposer dans les transports est la légèreté. Les fibres de lin ont une densité très faible avec laquelle les fibres de carbone et de verre ne peuvent pas rivaliser. La densité d'une fibre de lin est de 1,50 g/cm3, cette densité est égale à celles des fibres de bois et de chanvre; seul la fibre de jute est moins dense à hauteur de 1,37 g/cm3. Les densités des autres fibres végétales sont donc relativement proches de celle des fibres de lin. Si on compare la densité des fibres de lin à celles des fibres de verre ou de carbone, on remarque au contraire une nette différence. En effet les fibres de verre et de carbone ont des densités respectives de 2,5 g/cm3 et 1,8 g/cm3. Bien que la composition des fibres soit différente, une faible densité est généralement associée à un poids réduit. Cette affirmation est respectée dans ce cas précis, les fibres de verre sont en moyenne 40% plus lourde que les fibres de lin tandis que les fibres de carbone sont en moyenne 20% plus lourdes. Les fibres de lins semblent donc être environ aussi légères que les fibres naturelles et relativement moins lourde que les fibres de verre ou de carbone.

          Les composites en lin possèdent aussi des propriétés leur permettant d'être un insonorisant bien plus efficace que les fibres de verre et de carbone. Cette caractéristique leur accorde la possibilité de réduire les bruits de moteur. Cet atout d'isolation que possède le lin n'a pas encore été expliqué mais les biologistes pensent, sans savoir le prouver, que c'est la quantité de cellulose présente dans les fibres de lin (70-80%) qui en est à l'origine.

          L'une des caractéristiques largement utilisée dans les transports et dans des applications pour les loisirs est l'absorption des vibrations. Là aussi, les fibres de lin ont la capacité d'empêcher la propagation des vibrations, ce que ne possèdent pas les fibres de verre et de carbone. Au contraire, les composites constitués de fibres de bois, de chanvre ou de jute possèdent des capacités semblables à ceux composés de fibres de lin.

          Les composites nécessitent parfois d'être agréables à regarder lorsqu'ils sont placés à la vue de tout le monde. La couleur du produit sortant de l'usine se doit donc d'être éclatante le plus longtemps possible. Les rayonnements ultraviolets sont capables d'abimer et de brunir certains matériaux. Les composites en lin et plus particulièrement la fibre ont la qualité de ne pas se détériorer au soleil et donc d'avoir un design durable.

          Les normes en matière d’environnement sont de plus en plus strictes et la commission européenne prévoit encore de les renforcer en passant les limites d’émission de gaz carbonique de 130 g/km en 2015 à 95 g/km en 2020. Cette réduction significative évitera l’émission de 160 millions de tonnes de gaz carbonique. De plus un taux de recyclabilité de la voiture de 95% doit être atteint cette année. Les constructeurs cherchent donc un composite recyclable, à base de fibres naturelles pour remplacer les parties non recyclables. Les fibres de lin permettent aussi cette possibilité de recyclage, qui n'existe pas ou est beaucoup moins performante en utilisant des fibres de verre ou de carbone. La légèreté des composites en lin permet aussi de réduire le poids d'un véhicule. Le moteur pourra donc être moins sollicité et on réduira la diffusion des gaz à effet de serre.

          Enfin, le lin possède un avantage primordial sur les fibres de carbone et de verre qui est loin d'être négligeable. L'une des premières contraintes pour l'élaboration d'un nouveau produit est le prix des composants. La fibre de lin remporte ici très facilement le match entre la fibre de verre et de carbone. La fibre de verre coûte environ 5 €/kg et celle de carbone 40 €/kg, ce qui est nettement supérieur à la fibre de lin qui coûte environ 2 €/kg.

Les inconvénients :

          La fibre de lin possède donc des atouts face à la concurrence mais elle n'est néanmoins pas dépourvue de défauts.

          La réalisation d'un composite nécessite, comme nous l'avons vu, de lier la matrice à la fibre. Or, la capacité d'adhésion des fibres de lin à certaines matrices thermoplastiques communes dans l'industrie ne semble pas parfaite. Des problèmes de durabilité des composites ont été découverts pouvant altérer les propriétés de ceux-ci.

          Les composites en lin ont tendance à trop absorber l'eau, ce qui, en plus d'augmenter le poids du matériau, perturbe de manière irréversible les propriétés techniques du lin. La présence d'eau dans les composites réduit les capacités des fibres et la matrice. En effet, l'analyse d'un composite très humide a permis de déceler, à certains endroits, la rupture de la matrice et de la fibre. Le renfort et la matrice ont aussi tendance à se délier (problème dit de délaminage). Tous ces éléments rendent le composite plus fragile et élastique que lorsqu'il est sec.

          Les composites en lin souffrent aussi d'une résistance aux hautes températures limitée. A partir de 200°C, la fibre se dégrade sévèrement jusqu'à rendre le composite inutilisable. En comparaison, la fibre de carbone se dégrade aux alentours de 2500°C et a donc des capacités thermiques indéniables, puisque c'est la matrice qui impose les limites de température.

          L'un des problèmes, qui est dû au fait que l'élaboration de composites en lin n'est que très récente par rapport aux composites en verre et carbone, est que ses caractéristiques sont souvent imprévisibles. Les fibres de lin ont des propriétés différentes dans chaque exploitation, ce qui fait que le matériau composite sera parfois très performant et d'autres fois décevant. Ce manque de constance lui porte préjudice face aux fibres synthétiques qui ont, elles, des propriétés constantes dont est fonction le prix.

          Les composites constitués de fibres de lin utilisés par exemple pour l'habillage intérieur de moyens de transport émettent parfois des odeurs désagréables. Les fibres de lins nécessitent donc un traitement chimique pour les éliminer. D'un point de vue esthétique, le matériau n'est pas toujours homogène et n'est donc souvent pas placé à un endroit où il est vu, sauf s'il est recouvert de peinture, vernis...

          L’industrie française est tout particulièrement privilégiée puisque la France est le premier producteur mondial. Mais cette production très locale peine à trouver des débouchés à l'international à cause des frais de transport élevés.

 

Les fibres de lin face aux fibres de verre

          Les fibres de lin ont donc des avantages techniques par rapport à leurs concurrents en général. Mais leur statut de fibre naturelle leur permet aussi de ne pas nuire à l'environnement. Nous allons voir que l'impact environnemental que peuvent avoir les fibres de verre permet aux fibres de lin de se démarquer.Getmultimediaressource

         

          Tout d'abord, on peut remarquer sur ce graphique que les fibres de verre sont en moyenne beaucoup plus polluantes que les fibres de lin. Les étapes de la vie des fibres les plus nocives pour l'environnement sont la fabrication et la destruction.

          Les fibres de verre sont naturellement plus polluantes à fabriquer et leur recyclage approximatif ne leur permet pas d'afficher de bonnes performances environnementales. On remarque que le potentiel de réchauffement climatique des fibres de verre est maximal alors qu'il est inexistant pour les fibres de lin. Cette grande différence est due au fait que la quantité d'énergie nécessaire à la production des fibres de verre est très élevée. Au contraire les fibres de lin ne participent pas au réchauffement climatique car les opérations de teillage et de peignage sont très peu polluante et que la culture est naturelle.

          Les fibres de lin nécessitent évidemment l'utilisation du sol. Or, certaines personnes jugent inutile d'utiliser des terrains agricoles qui pourraient être utilisés pour produire de la nourriture. Les fibres de lin nécessitent des pesticides qui endommagent souvent la faune et la flore. Cela explique le fait que le lin est toxique pour les humains, les milieux aquatiques et acidifient progressivement les océans; ceci a pour conséquence l'extinction de certaines espèces marines. De plus l'émission de pesticides favorise la reproduction d'algues dans certains écosystèmes et donc les capacités d'eutrophisation du lin.

          Enfin, nous pouvons constater que les fibres de verre sont toxiques pour l'homme, les milieux aquatiques et l'environnement, favorisent la prolifération d'algues et l'acidification des océans et augmentent le potentiel de déplétion ozonique, c'est à dire la destruction à certains endroit de la couche d'ozone. Tous ces éléments sont dus à l'énergie nécessaire au fonctionnement de l'usine de production et des composants chimiques utilisés pour la fabrication des fibres.

          Ainsi les fibres de lin présentent un très net avantage environnemental par rapport aux fibres de verre. Cette caractéristique est en partie due à la popularité des composites en lin auprès des ingénieurs et de leur entreprise.